la tasse de thé ou l’expérience du lâcher-prise


Lanterne éclaire au crépuscule
Trouver la lumière en soi dans le crépuscule de notre vie

Lâcher-prise à l’intérieur soi … pour laisser le merveilleux de la vie entrer en soi

Il y a bien bien longtemps vivait dans une province reculée de l’Inde, un grand maître spirituel, un Mahatma comme on dit dont l’immense « aura » dépassait grandement la région d’où il était natif. Très âgé, très instruit, cet homme d’une très grande sagesse incommensurable passait le plus clair de son temps au plus profond de la forêt dans un magnifique lieu de recueillement et d’amour.

Un homme qui avait beaucoup étudié et était devenu un savant de grande renommée vint un jour lui rendre visite car ce dernier était empêtré dans de graves difficultés et cherchait des réponses pour sa vie.

Il était, comme à son accoutumée, très pressé et avide de réponses toutes faites … il ne pouvait attendre !

Aussi, à peine parvenu dans ce lieu retiré,  après des jours de trajet et ayant cheminé tout seul d’éprouvantes heures de marche,  l’homme fourbu demanda au Mahatma qui était assis tranquillement en pleine méditation :

« S’il vous plaît, Véritable et Vénérable sage de tous les temps, pouvez-vous m’enseigner la méditation ? »

Le Mahatma lui sourit découvrant malgré son âge avancé de très belles et magnifiques dents blanches. Il prit le temps de prendre une grande inspiration et lui dit avec beaucoup de douceur et de bienveillance :

« Pourquoi êtes vous si pressé, vous qui avez fait un si long voyage pour me rencontrer ? Prenez le temps de vous assoir … Asseyez-vous, détendez-vous bien tranquillement et prenez une tasse de thé, prenez le temps de savourer ce qui est là. Nous discuterons ensuite, nous avons bien le temps. »

Le savant était très agité et très impatient. Celui-ci répondit d’un débit rapide et précipité : « Pourquoi pas maintenant ? Dites-moi s’il vous plaît quelque chose au sujet de la méditation,  je suis avide de vos réponses, j’ai beaucoup voyagé et je ne peux attendre ! »

Le Mahatma, sans se départir de sa quiétude et de sa bienveillance insista néanmoins pour que le savant s’assoie et accepte de se détendre. L’homme sage l’engagea à prendre une tasse de thé avant d’aborder le sujet. Le visiteur dont les forces l’abandonnait peu à peu finit par céder et parvint à s’asseoir … vaincu. Il lui fut toutefois impossible de se détendre ; il parlait d’un ton vif, un débit très rapide et parlai, parlait sans cesse … sans s’arrêter, ni respirer, cherchant à exprimer avec la plus grande précision et la plus intense  rigueur ce qui l’avait amené à entreprendre ce périlleux voyage jusqu’à la demeure du sage. Il avait fait moults stages des plus ardus jusqu’aux retraites les plus exigentes en développement personnel, pratiqué l’auto-hypnose, identifié ses peurs inconscientes, etc …

Le Mahatma prit son temps. Il prépara le thé avec soin, séparant les gestes avec harmonie et revint auprès du savant qui l’attendait avec impatience. Le sage lui tendit doucement une tasse et une soucoupe, puis se mit à verser le thé avec des gestes précis et lents. La tasse se remplit vraiment doucement,  lentement, et finit par déborder … mais malgré la petite flaque qui se formait sous la soucoupe, le Mahatma continuait son geste et ne cessait de verser le liquide.

Le savant s’écria : « Mais attendez, que faites vous ? La tasse est pleine, ne voyez vous pas ?? Arrêtez cela ! S’il vous plaît, arrêtez cela »

Mais le Mahatma fit comme s’il était sourd, et il continuait de verser l’eau bouillante sans se préoccuper le moins du monde à ce que le thé se mette à déborder dans la soucoupe, puis ensuite à se mettre à couler sur le sol, de plus en plus …

Le savant cria de toutes ses forces: « Hé ! Êtes-vous aveugle ? Ne voyez-vous pas que la tasse est pleine et ne peut contenir une goutte de plus ? »

Le Mahatma sourit et cessa de verser. « C’est juste, dit-il, cela est juste ! La tasse, vous avez raison est pleine et ne peut contenir une goutte de plus. Vous savez donc qu’une tasse pleine ne peut recevoir davantage. Alors comment pourrais-tu ainsi, toi qui débordes de multiples références et divers connaissances, m’écouter lorsque je parle de méditation ? Cela est vraiment impossible !

Fais de la place, d’abord, dans ton esprit et ensuite, je te dirai ce que je peux faire pour toi. »*

* Plante, Charlotte. Encore la vie devant soi. Quitter se réorienter et repartir.
Ville Mont-Royal : Novalis, (2000), p. 108

Je vous propose quelques interprétations du conte

(et vous-même – si le coeur vous en dit – pourriez vous en proposer en commentaire …).

Que veut nous enseigner ce joli conte ? Ce très beau conte est avant tout une belle métaphore qui parlera à chacun et chacune à sa manière. Celle histoire tente peut-être de nous rendre attentif à l’illusion de nos savoirs acquis, de notre bagage culturel et de ses filtres,  de nos expériences vécues, de notre savoir qui la plupart du temps nous encombre et nous entrave pour découvrir de nouvelles choses, faire de nouveaux apprentissages dans la vie comme le lâcher-prise et l’écoute interieure

Avant de pouvoir considérer la vie autrement, il s’agit de commencer une « lente mue » comme dans l’histoire de l’aigle* et d’accepter de se débarrasser de ce que nous croyons, de ce que nous tenons pour acquis, de remettre en question nos croyances personnelles sur la vie, sur les autres … afin de commencer à envisager la vie autrement …

* Histoire de l’aigle – du même auteur (juin 2016)

Il pourrait aussi s’agir d’interroger nos attentes sur la vie, sur les autres, sur nous-mêmes … questionner nos attentes conscientes et inconscientes, celles qui sommeillent au plus profond de nous dans la profondeur de notre inconscient.

Souvent , nous ne prenons pas le temps de laisser cheminer une réponse en nous qui se construit dans le temps, avec des aller et retours entrecoupés de mouvements intérieurs, de doutes, d’émotions, de jaillissements et de ralentissements, un long échange du conscient avec l’inconscient, un lent mûrissement. Ici le thérapeute devient un guide, un accompagnateur qui favorise une (re)naissance et un retour vers soi, à l’intérieur de soi en toute sécurité.

La thérapie est ainsi le lieu de la construction et de l’émergence de ce dialogue conscient-inconscient, de la naissance de cette parole incarnée, d’un lien intérieur entre conscient – inconscient où l’hypnose agit comme un catalyseur et favorise une plus fine reconnexion à soi et à ses valeurs*, une longue randonnée à l’intérieur de soi-même pour une vie réactualisée et en accord avec soi.

* Histoire des gros cailloux – du même auteur (décembre 2016)

Trop souvent, il arrive que les personnes qui viennent consulter en individuel en hypnose ou aussi en thérapie de couple aient une idée préconçue de ce dont ils ont besoin ou de ce qu’il se passe chez eux ou chez l’autre, de ce qui ne va pas et qu’il faudrait changer … Il s’agit bien souvent d’une illusion car chacun, chacune doit approcher et apprivoiser sa part d’ombre* comme le disait le psychologue et psychanalyste Carl Gustav Jung au siècle dernier, cette part de nous que nous ne pouvons voir directement, qui échappe sans cesse à notre regard, même le plus acéré et le plus clairvoyant.

* « La rencontre avec soi-même signifie d’abord la rencontre avec sa propre ombre ». CG Jung, La guérison psychologique.

https://www.psychologies.com/Regards-de-psys/Decouvrir-et-apprivoiser-son-ombre

Alors l’hypnose éricksonienne tel un détective ou un message codé de notre inconscient nous offre la possibilité de nous rapprocher de nous-même et accepter la réalité telle qu’elle se déroule dans notre vie. Les symptômes sont – dans la plupart des cas – une tentative maladroite, une intention positive inconsciente de notre psychisme afin de rétablir un équilibre de nous même vers plus de vitalité, vers un meilleur lien avec soi même, apportant dans la vie pllus d’acceptation et plus de bienveillance. Les symptômes peuvent alors devenir une invitation à revenir vers nous-mêmes, vers ce qui est essentiel plutôt que de chercher à les combattre et les faire disparaitre …

Frédéric Desprès – juillet 2023

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